Promenade singulière (6)
Ou comment un maitre apprend de son chien
C'est avec beaucoup de bonheur et d'émotion que je partage avec vous les mots d'un ami cher, un poète disparu qui savait entrelacer les mots et les imagesavec intelligence et délicatesse... Son chien Flip (ou BAF, Bien Aimé Flip) l'accompagnait dans ses promenades, et inspirait aussi sa plume...
Son visage attire de suite mon attention
Il est celui de quelqu’un à qui on aurait volé sa soupe
Pas contente la dame, dis-je en moi-même !
Flip qui me devine toujours explique :
Celle-là, a pour vocation de râler !
Ses ancêtres, des druides Gaulois sans doute
Lui ont laissé cette habitude…
Râler est sa seconde nature
Râler après le temps qu’il fait comme après le temps qui passe
Râler à cause de la Fée bossue, ou de la Féemouche
Râler à cause des oiseaux qui chantent
Ou des cerfs qui brament
Sais-tu comment on la nomme ?
Comment le saurais-je, Flip
Ici c’est toi qui explique !
C’est simple pourtant c’est la Féedesrâles
Elle fédère, rassemble autour d’elle
Tous les mécontents de la forêt
Elle rêve d’aller un jour à leur tête
Manifester devant la préfecture pour obtenir la disparition des bucherons
Des forestiers, des ingénieurs agronomes
Des chasseurs de champignons et autres prédateurs à deux pattes
Et même aussi des innocents promeneurs comme toi et moi !
Mais comme tous les râleurs elle ne fait rien d’autre que râler
Râler, râler encore… et Flip mon chien philosophe de me demander
As-tu remarqué son visage triste et malheureux ?
C’est que vois-tu, à force d’être mécontent des autres
On finit par être mécontent de soi !
Râler sans cesse n’est pas, tu peux me croire
Le secret du bonheur !
Moi qui suis un chien heureux, m’as-tu entendu râler ?
Jamais ! Je suis toujours content de mon sort !
Je le crois volontiers, mon Baf
Mais sans me l’avouer vraiment
Je suis un peu irrité de ses leçons
Et je me demande où il va puiser tant de canine sagesse
Là, je suis certain, Madame, que vous partagez mon sentiment
Car aucun humain pas même vous, ma chère
N’aimerait recevoir des leçons de… son chien !
La fée qui vint ensuite me pose un problème de grammaire
Traditionnellement le mot « Fée » est féminin
Chacun le sait depuis toujours ! Les fées sont des femmes !
Nul ne sait quel peut en être le masculin
Car enfin, l’un ne saurait exister sans l’autre !
Pourquoi ce problème existentiel ?
Parce que simplement la fée qui nous intéresse se nomme
D’après BAF, la Féelin…
Sa démarche est si fluide
Féline comme celle d'un léopard
Son port de tête si gracieux !
Elle est habillée de fin lin blanc
Si blanc qu’il se fond dans la blancheur du sable
Et qu’on ne la remarque à peine
Sous son aspect féminin si doux, me dit Flip
Se cache une créature cruelle
On la trouve parfois, parait-il
Sur les grosses branches des chênes
Ou à la fourche des grands fayards
De ce poste de surveillance
Elle est à l’affût attendant sa prochaine victime
Qu'elle dévore sans se salir aucunement
Je m’attendais à une réflexion de philosophie canine
Elle vint en effet sous la forme d’une question !
N’avez-vous pas dans votre monde
Des créanciers félins qui dévorent sans se salir la veuve et l’orphelin ?
Les pierres sont presque toutes occupées maintenant
Il n’y en a plus que deux qui sont libres
Mais voici, arrivant ensemble, deux autres fées très différentes...
A suivre…
Jean Comtesse