Promenade singulière (5)
Ou comment un maitre (BAM : Bien Aimé Maitre) apprend de son chien
C'est avec beaucoup de bonheur et d'émotion que je partage avec vous les mots d'un ami cher, un poète disparu qui savait entrelacer les mots et les images avec intelligence et délicatesse... Son chien Flip (ou BAF, Bien Aimé Flip) l'accompagnait dans ses promenades, et inspirait aussi sa plume...
Une nouvelle fée s’en est allée s’asseoir
Sur l’une des pierres de cet amphithéâtre
Dis-moi Flip, qui donc est-elle ?
Elle porte en bandoulière une longue baguette
Qui me semble un peu plus grosse
Que ne le sont les habituelles baguettes magiques des fées ordinaires
Celle là est athlétique
Et porte des flèches d’archer moyenâgeux
Ayant un court instant croisé son regard
J’y ai surpris un éclat singulier que sur le moment je n’ai pas compris
Ma perplexité a sans doute été perçue par Flip qui m’explique
Vois-tu, BAM, c’est la Féemouche
Avec sa sarbacane, que tu confonds avec sa baguette de fée
Elle peut tuer du premier coup un moustique à dix mètres
De même qu’avec ses minuscules flèches magiques
Elle peut endormir pour une heure
Ou une nuit dans le poulailler, un renard trop cruel !
Elle ne fait pas mouche seulement sur Maitre Renard
Mais si l’occasion se présente elle peut le faire sur toi et moi
Les humains que l’on surprend parfois à dormir paisiblement sur la mousse
Lui ont probablement servi de cible
Et comme elle touche à tous coups, on la nomme : Féemouche
Madame, ne soyez pas si sceptique !
Car vous l’êtes ! Ne le niez pas, votre regard vous trahit
Écoutez plutôt la suite de ce récit
Et faites-donc, comme moi, connaissance avec une autre fée
Celle-ci comme vous pourrez le constater
A au contact, même discret, de l’humanité
Pris l’un de nos travers, qui n’est pas le moins cruel !
La nouvelle arrivante est assez spéciale
Tout en elle est ironique
Flip que j’interroge, m’explique
Vois-tu celle-là vient de chez vous les hommes
Il arrive parfois que par une mutation étrange
Que moi, pauvre chien, je ne saurais expliquer
Certains humains, certaines humaines deviennent Fées
Et rejoignent dans la forêt ce peuple discret
Quelle est la raison de cette mutation ?
Je l’ignore, et ne compte pas sur elle pour te l’expliquer
Elle se moquerait de toi
Comme elle se moque de tout et de tous
Car c’est la Féeraille
Elle raille constamment le jour comme la nuit
Toujours elle se moque
Tout est prétexte à égratigner les uns comme les autres
Peut-être était-elle chez les humains ce que vous appelez « humoriste »
Son plaisir est de blesser sans faire saigner
Mais cette passion moqueuse n’est pas sans conséquence pour elle !
Regarde bien...
Les taches brunâtres qui apparaissent sur son cou
Sont des taches de rouille
Car non seulement elle raille, la fée, mais aussi elle se rouille !
Flip jubilait ! Légèrement moqueur parfois mon BAF !
Pourtant je comprends que les tâches de rouille signifient
Que la moquerie se retourne contre le moqueur
Qui ne sort pas indemne de son sport favori !
À ce moment, chère Madame, je me suis un court instant demandé
Si mon chien ne me raillait pas gentiment à son tour de ma crédulité
Tout comme vous d’ailleurs car je ne suis pas dupe de votre silence !
Flip me tape le genou de sa patte avant gauche
Pour ramener mon attention sur les pierres de l’amphithéâtre
Où profitant de ma distraction, une nouvelle est apparue
A suivre…
Jean Comtesse