Promenade singulière (4)
Ou comment un maitre apprend de son chien
C'est avec beaucoup de bonheur et d'émotion que je partage avec vous les mots d'un ami cher, un poète disparu qui savait entrelacer les mots et les images avec intelligence et délicatesse... Son chien Flip (ou BAF, Bien Aimé Flip) l'accompagnait dans ses promenades, et inspirait aussi sa plume...
.....
En effet arriva marchant d’amble
Une curieuse créature à la morphologie étrange
Chut ! Me dit Flip la gueule fermée
Celle-ci a très mauvaise réputation
Elle est très méchante dit-on dans l’ombre des buissons
Tous la redoutent pour ses maléfices arbitraires
Et son humeur désagréable !
Regarde, me dit-il
Elle est méchante, car à bosse !
En effet, sous un manteau trop grand pour elle,
Saillait dans son dos… une énorme bosse
Vois-tu, me dis Flip
Ne s‘aimant pas elle-même parce que bossue
Elle déteste par principe tout ce qui est droit
Elle loge dans un châtaignier creux et centenaire
Tordu par l’âge et le vent
Aucun oiseau n’y peut faire son nid
Puisqu’elle fait rater toutes les couvées
Et les sangliers eux-mêmes font un détour pour l’éviter
Madame,
Peut-être serez-vous convaincue par la sagesse d’un pauvre chien
Qu’il est impossible d’aimer les autres si l’on ne s’aime soi-même ?
Mais que se passe-t-il donc ?
Sans aucune discrétion une petite troupe arrive
Ce sont des marcassins
Attendrissants dans leur costume de soirée blanc rayé de noir
Il ne leur manque que la cravate
Devant la petite troupe, les menant à la baguette
Il y a une fée
Flip m’explique ce spectacle insolite
Cette Fée me dit-il est la Fée Laie
Elle adopte les marcassins orphelins
Ce qui n’est pas rien, crois-le bien !
Il se chuchote dans les halliers
Que pour faire une telle chose
Il faut-être un peu fêlé, car chacun le sait,
Les marcassins sont plus démons qu’anges
Et vouloir les élever est pure folie !
Mais elle, elle le fait ! C’est pourquoi on la nomme la Fée Laie
Elle leur est tellement attachée que si elle les croit menacés
Tout comme feu leur mère l’aurait fait
Elle charge l’intrus, sa baguette à la main !
Pur folie sans doute ! Mais que veux-tu, elle c‘est une fée fêlée !
Flip est assis sur son arrière-train
Face à moi
De sa patte avant droite
Il me gratte le genou trois fois
Ce qui signifie dans son langage
Qu’il a une remarque importante à me faire !
Vois-tu, me dit BAF
Faire le bien, même dans la forêt
Est considéré par certains comme pure folie
Et comme chez vous les hommes
Il arrive que nous aussi pauvres animaux
Nous nous touchions le front de la patte
Et disions en riant un peu
Elle (ou il), est un peu fadât[1] !
Durant ces considérations, hautement philosophiques
Une nouvelle fée s’en est allée s’asseoir sur l’une des pierres de cet amphithéâtre
Dis-moi Flip, qui donc est-elle ?
A suivre…
Jean Comtesse
[1] Note de l’éditeur. La définition exacte du mot « Fadât » est : Celui qui parle avec les fées !